mardi 4 septembre 2007

MESSMER, Massacres au Cameroun


PIERRE MESSMER, l'autre cauchemar des Africains s'en est allé.


Comme Roland PRÉ, ou Maurice Delaunay, Pierre MESSMER appartient à cette catégorie d'hommes qu'il ne faut jamais avoir rencontrés sur son chemin en tant qu'africain dans ses années de haut commissaire du Cameroun. D'une telle rencontre, on ne sort jamais indemne; les plus chanceux se sont retrouvés avec toute leur famille décimée. Avec sa disparition, c'est aussi un des grands artisans du génocide Camerounais qui tire sa révérence. Génocide que la France n'aura jamais le courage de reconnaître. Politique génocidaire mise en place par De Gaulle dans toute l'Afrique dite "francophone" et dont la mise en application était orchestrée par Roland Pré, Pierre Messmer et bien d'autres lugubres personnages qui entreront dans l'histoire de la France comme de "Grands".


Pierre Messmer restera pour toute une génération d'africains et de Camerounais en particulier, le symbole de la cruauté vivante, celui qui distribuait à tout va la mort à ces Africains qui se refusaient d'obéir aux injonctions lapidaires d'une France en plein exercice de colonisation et prête à châtier quiconque lui résistait comme le faisait remarquer son prédécesseur Roland Pré "Je suis fortement ému parce que le peuple camerounais s’est laissé un instant entrainer par certains trublions que la justice française ne manquera pas de châtier. C’est vraiment choquant d’apprendre que le Cameroun veut obtenir en moins d’un quart de siècle, ce que la France a obtenu en plusieurs siècles, c’est-à-dire l’étape de l’indépendance" .




Celui que l'histoire officielle française présente comme l'un des pères de la "décolonisation" n'en était pas un, mais plutôt un ardent défenseur de l'asservissement des peuples africains. Car il considérait que se défendre de la colonisation était un acte de haute trahison et par conséquent il fallait être impitoyable avec de tels individus.


Comment peut-on être un fidèle de De Gaulle et être pour l'indépendance des peuples en Afrique ? De Gaulle et Indépendance dans le cas de l'Afrique sont deux mots aux antipodes l'un de l'autre. L'indépendance, la décolonisation suppose la liberté de tout peuple à disposer de lui même. Tout le contraire de la politique gaullienne en Afrique et qui poursuit son cours jusqu'à nos jours. Dire que Pierre Messmer a préparé la décolonisation donc l'indépendance des pays africains est, comme vous l'aurez compris, un vaste exercice de démagogie donc un mensonge républicain. Être gaulliste à l'aune de l'Afrique, c'est être pour le pillage des matières premières et autres richesses et évincer celles ou ceux qui s'opposent à cet état des choses par n'importe quel moyen. La jeunesse africaine doit plutôt retenir de cet homme qu'il a contribué à la destructuration des équilibres de leur continent et qu'il est important de garder en esprit que ''la France n'a pas d'amis, elle n'a que des intérêts" comme le disait De Gaulle, le fondateur de l'idéologie néocolonialiste qui sévit en Afrique et dont les conséquences sont décrites dans "Les servitudes du pacte colonial" de Mamadou Koulibaly.

Rédigé par Anton G.

Comment Messmer a massacré les Camerounais

La mort de cet homme est presque passée inaperçue au Cameroun. Alors que le pays vit encore aujourd’hui les séquelles des horreurs commis pendant qu’il était à la tête du Cameroun sous tutelle de la France.

En 1956, Pierre Messmer foule le sol camerounais, comme haut-commissaire de la France. On est en pleine période de lutte pour l’indépendance. Celle-ci est principalement menée au pays par l’Union des populations du Cameroun (Upc), parti politique de l’opposition dont Ruben Um Nyobé est le secrétaire général. La formation est désormais sous maquis. Ses leaders, contraints à l’exil pour la majorité, poursuivent la lutte alors que le parti a été interdit un an plus tôt (1955) par le prédécesseur de Messmer, Roland Pré.

Sous une double tutelle (française dans partie orientale et anglaise dans la partie occidentale), le pays de Martin Paul Samba connaît une grande agitation. Les revendications, formulées par l’Upc avant son interdiction, sont plus que vivaces dans l’esprit des nationalistes. Les deux premières sont : l’indépendance immédiate et la réunification des deux parties du territoire. C’est, en tout cas, ce qui a été défendu à la tribune des Nations unies par les plénipotentiaires de l’Upc dont Félix Roland Moumié, le président du parti.

Quand Pierre Messmer arrive donc, il a pour mission de mâter toute velléité de contestation. Il doit surtout extirper la fibre nationaliste que l’Upc et les mouvements syndicaux travaillent à susciter au sein du peuple depuis une dizaine d’années. Pour la France, pas question que l’indépendance apparaisse comme le fruit d’une revendication nationaliste. “ Nos ancêtres les Gaullois ” estiment qu’elle doit être considérée comme “ donnée ” par la seule volonté de la France. Messmer va employer toute son énergie à consolider les acquis de la “ mère patrie ” au Cameroun pour qu’au moment de l’indépendance, le pays soit confié aux gens avec qui la métropole aura composé.

Bourreau des nationalistes

Frank Garbely, auteur du documentaire “ L’assassinat de Félix Moumié ”, déclare dans ses commentaires, que Messmer transforme la plus grande victoire de Moumié, en une défaite cinglante. “ Son arrivée est une journée noire pour Moumié ”, affirme-t-il. Dans ce film, Messmer, interrogé dans les bureaux de l’Institut de France dont fait partie l’Académie française, affirme d’entrée de jeu son inimitié pour les nationalistes camerounais.

Parlant de Moumié, il déclare : “ Lui n’était intéressé que par le combat pour le pouvoir, il n’accepte aucune élection. ” Il explique de quelle façon, dès son arrivée, il prend à contre pied les nationalistes camerounais, en leur accordant la contrefaçon de ce qu’ils réclament, à savoir l’indépendance. “ J’ai tout de suite dit que la France acceptait l’indépendance du Cameroun, et la réunification du Cameroun français au Cameroun britannique. Une chose que personne n’avait osé dire avant, parce que cela ne faisait pas plaisir aux Anglais. J’étais le premier à oser le dire, et à partir de ce moment-là, l’Upc se trouve dans une situation extrêmement difficile, parce que c’était sa revendication. ”

Les leaders de l’Upc ne veulent pas de cette indépendance piégée. Pierre Messmer prend très mal cette réticence et les considèrent comme des ennemis. “ A partir de ce moment-là, l’Upc est obligé, ou bien de rentrer dans le système, parce qu’il doit y avoir des élections, ou bien alors, comme ils le décident, de rester dans la rébellion. Mais à partir de ce moment là, ça prouve que ce n’est pas un parti indépendantiste, mais un parti révolutionnaire ”, dit-il.

Les leaders de l’Upc sont désormais dans l’axe du mal et traité comme tels. Il n’est pas question de laisser la situation s’embraser au Cameroun, car une révolution réussie ici pourrait donner des idées aux autres pays du pré carré français. Dans un document secret, publié dans le documentaire de Frank Garbely, cette volonté est clairement affichée : “ La position de la France au Cameroun conditionne la position de la France dans toute l’Afrique centrale ”, indique le document.

L’Upc organise une manifestation à Massock, dans la Sanaga Maritime. L’armée française intervient énergiquement. Le bilan est effroyable, selon un témoin qui relève des viols, des tueries et des déportations. Pierre Messmer justifie l’intervention de l’armée française : “ En effet des unités de simple gendarmerie ne pouvaient pas combattre effectivement une rébellion, surtout dans ce pays de la Sanaga Maritime qui est un pays de grande forêt, en pleine forêt équatoriale. J’ai à ce moment là demandé l’intervention de l’armée. On a dirigé sur le Cameroun des unités africaines, d’ailleurs venues du Tchad. La mission de ces unités était de faire disparaître le maquis, et ils y sont arrivés d’ailleurs. ”

Après avoir exterminé la population, il faut maintenant attaquer le mal à la racine. Les colons entreprennent donc de dessoucher le parti. La recherche des leaders est plus active. Pour les coincer, les colons obligent les villageois à se regrouper dans des camps, question d’isoler les leaders. “ Um Nyobé et ses complices, qui n’étaient pas très nombreux, et qui vivaient dans ce maquis, étaient un petit peu dans le pays Bassa comme des poissons dans l’eau…L’armée s’est efforcé de pomper l’eau, pour que les poissons soient au sec. C’est-à-dire que l’armée s’est efforcée de ramener vers les grandes routes qu’elle contrôlait, des petits villages qui étaient à l’intérieur de la forêt ”, affirme Messmer.

Il est évident que l’armée française ne suppliait pas les villageois pour qu’ils rejoignent les camps, comme le témoigne dans la documentaire André Nguimbous, agriculteur dans la région : “ Pour vous obliger à venir habiter ici, on brûlait même votre maison. Et surtout dans la nuit, on vous faisait embarquer dans les camions pour venir vous laisser ici. ”

Le travail à partir de Paris

Messmer, après ces loyaux services rendus à sa patrie, est récompensé en 1960 (année de l’indépendance du Cameroun sous tutelle française), quand il est nommé ministre des Forces armées à Paris. Il occupe ce poste pendant neuf ans. Un record de longévité expliqué par la situation particulièrement délicate que devait gérer la France à l’époque : administrer les colonies qui manifestent les velléités d’indépendance. Et pour mieux contrôler cette situation, il fallait un “ homme de la situation ”, comme Messmer.

Désormais, c’est depuis la métropole qu’il sévit sur les rebelles africains, ou, pour parler comme eux, c’est de là qu’il “ prépare ” l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. De cette position, il “ suivra ” également l’évolution de ces colonies après 1960, années des indépendances. Il tisse à partir de là un réseau plus large pour traquer les leaders nationalistes même hors de leurs frontières. Au Cameroun en particulier, sont installées des marionnettes locales, téléguidées à distance pour faire le sale boulot commencé plus tôt.

En 1966, Maurice Delaunay est nommé à la tête de la région Bamiléké, à Dschang, avec pour mission de briser l’Upc et réduire la résistance à néant. Ce dernier fait son travail avec méthode, et suivant les instructions de sa hiérarchie. “ Une tuerie en masse ”, témoigne Sa majesté Jean Rameau Sokoudjou, chef supérieur Bamendjou. Ce dernier a été assigné à résidence surveillé dans son propre palais pendant deux ans, pendant que d’autres chefs traditionnels bamiléké hostiles à la colonisation étaient martyrisés, envoyés en prison ou simplement remplacés. Delaunay avoue avoir fait un camp dans les montagnes, au dessus de Bafoussam, où il y avait 800 personnes gardées pas des soldats français et camerounais restés fidèles.

A Batcham, un camp militaire est aussi installé. C’est de là que sont dirigés les bombardements aériens. Ici aussi, comme en Sanaga Maritime, on a forcé les populations à se regrouper dans les camps. Tous ceux qui ne viennent pas ici sont considérés comme faisant partie des maquisards, à éliminer. De l’autre côté, ceux qui ont refusé d’aller dans les camps considèrent ceux qui y sont comme des traîtres. La population est désormais liguée contre elle-même. Une situation que le colon ne pouvait que souhaiter.

Dans toute la région, les tueries succèdent. Jacques Verges, un avocat français, pense même que du Napalm, une arme de destruction massive, a été utilisée sur des populations civiles, que les prisons étaient des mouroirs, où des gens étaient torturés, tués. Une fois de plus, Messmer justifie ce déploiement impitoyable de l’armé sur ces zones du pays : “ L’Upc était un parti communiste, dirigé par des chefs communistes impitoyables. Um Nyobé, et surtout Moumié, étaient des gens impitoyables. Alors quand vous êtes impitoyables, vos adversaires ne vous font pas de pitié non plus, ils ne vous font pas de cadeau. ”

La malédiction Messmer

Impitoyable, Messmer, du haut de son ministère des Forces armées l’aura été. Les leaders nationalistes camerounais, pour ne parler que d’eux, sont victimes d’attentats. Ruben Um Nyobé, le secrétaire général de l’Upc, est assassiné le 13 septembre 1958 dans la forêt de Boumnyebel en pays Bassa. Félix Roland Moumié, le président, est empoisonné au thallium à Genève en Suisse le 3 novembre 1960. Ossendé Afana est fini en mars 1966. Ernest Ouandié, le dernier verrou, est fusillé à Bafoussam en janvier 1971. “ Il semble peu douteux que Moumié a été effectivement exécuté. A mon avis, la France s’en moquait éperdument. Cela arrangeait surtout le nouveau président, monsieur Ahidjo ”, déclare pour finir, Messmer. Messmer présente ces “ bons ” résultats à ses chefs, et comme récompense pour travail bien fait, il accède à la Primature française, à Matignon, en 1972.

Voilà l’image que les Camerounais, qui n’ont pas la mémoire courte, gardent de cet homme qui a rendu l’âme le 29 août 2007. Aujourd’hui encore, ils continuent de subir le régime néocolonialiste imposé par lui qui, dans sa “ préparation ” des indépendances, a tout fait pour que la main lourde du colon continue de peser sur la population. Fatalement.

Par Roland TSAPI, Le Messager. 03-09-2007

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